Bernard Maniquaire, bénévole de la première heure de notre organisme de formation, revient sur le parcours qui l’a conduit à s’investir dans l’accompagnement des apprenants. Et si la période de confinement a quelque peu modifié les formes de son engagement, on voit qu’il est loin d’être resté inactif.
Comment êtes-vous devenu bénévole dans notre organisme de formation ?
Je suis venu au bénévolat de formateur de lutte contre l’illettrisme par expérience professionnelle. Alors que j’étais directeur technique du palais des congrès de Paris Sud à Villejuif, je supervisais une équipe composée de français maghrébins, d’un martiniquais, d’une uruguayenne ; plus des intérimaires.
Je planifiais leurs tâches journalières sur un grand tableau blanc. Très vite je me rendis compte qu’ils ne déchiffraient pas bien les consignes, et qu’il me fallait les oraliser. Pour anecdote, un jour, j’entendis une fille dire à sa collègue « qu’il fallait changer le ‘suismain’ » après chaque pause lors d’un séminaire. Aussi en accord avec le directeur général, je décidai d’organiser pendant deux mois à raison de trois heures par semaine des séances d’alphabétisation dirigées par un professionnel.
Parvenu à la retraite, j’ai fait un stage de formateur à Bourges, ma motivation était évidente. Et, depuis plus de dix ans, j’aide et encourage les apprenants à maîtriser notre si belle langue au sein de C’est possible Autrement, le mardi après-midi de 14 h à 18 h, et le jeudi matin de 8 h 30 à midi 30.
Pouvez-vous préciser votre rôle lors d’une séance ?
J’interviens dans tous les domaines (français, mathématiques et code de la route) et dans des domaines professionnels où l’apprenant envisage de passer un diplôme. Par exemple, j’accompagne un apprenant se destinant au métier de cariste dans l’étude du vocabulaire spécifique et du maniement théorique des engins (autour des consignes de maniement des engins et de la sécurité).
Dans chaque séance, en plus de la professionnelle il y a des bénévoles en nombre variable suivant les jours. Il m’arrive très souvent de soulager la professionnelle en m’étant spécialisé dans la dictée. Je peux accompagner lors d’une séance plusieurs apprenants, mais un seul lorsqu’il s’agit du code de la route, beaucoup plus prenant car il faut expliquer un vocabulaire « un peu tordu » pour eux : plusieurs mots pour désigner la même chose (véhicule, automobile, voiture…).
Etant bricoleur, il m’arrive aussi de donner un coup de main pour des réparations ou des installations au sein du local.
Je participe aussi régulièrement aux ateliers d’écriture animés par Elisabeth Boilot. Et en 2019, j’ai participé comme lecteur, avec d’autres apprenants et bénévoles de C’est Possible Autrement, à une manifestation à la Médiathèque de Bourges, qui réunissait plusieurs associations autour d’un projet d’écriture.
Comment se passe pour vous la période de confinement ?
Le confinement, je l’ignore. Entendons-nous : je respecte les consignes. Etant retraité, cette contrainte m’oblige peu, mais elle m’affecte quand je pense à tous ceux qui manquent du nécessaire, ne serait-ce que pour survivre.
Vous continuez à intervenir comme bénévole pendant cette période de confinement ?
A la demande de Bénédicte Frébault, médiatrice, j’assure un suivi téléphonique. Je prends régulièrement des nouvelles de personnes fragilisées par le confinement : un de nos voisins de C’est Possible Autrement, ainsi qu’un ancien apprenant. Je les rassure et leur parle des jours meilleurs. Parfois c’est l’un d’eux, plutôt réservé en cours, qui m’appelle, sympa non ?
Mon accompagnement en présentiel est pédagogique même s’il a une dimension humaine. Cet accompagnement à distance relève plus de la fraternité.
Et ensuite ?
Pour finir, je voudrais avoir une pensée particulière, pour toute l’équipe de C’est Possible Autrement en lui dédiant le début et la fin de ce poème de Claude Roy :
« Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d’autres n’auront pas le sommeil et l’abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu’il faudra que d’autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J’ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n’est pas celui qui dit Je n’y suis pour personne
Le poète dit J’y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d’entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J’en vois de toutes les couleurs
J’y suis pour tout le monde
………………………….
Il ne s’agit plus de comprendre le monde
il faut le transformer
Je te tiens par la main
la main de tous les hommes ».
Amitiés à toutes et tous.
Merci à Bernard Maniquaire pour ce témoignage sur son compagnonnage au long cours avec C’est Possible Autrement et pour la dédicace poétique finale, à laquelle l’équipe de l’association ne saurait rester insensible.
A suivre !
Et en attendant des jours meilleurs, bon courage, prenez soin de vous et des autres, et n’hésitez pas à donner de vos nouvelles.
(Pourquoi ne pas nous envoyer une « carte postale », un texte, une photo… ?)
Ce 11 mai 2020
(1er jour de sortie officielle du confinement)